Je suis un survivant du séisme
Les textes suivant constituent
des extraits résumés de trois chapitres du livre de Pascale Brillon, Ph.D., psychologue, intitulé Se Relever d’un Traumatisme :
Réapprendre à vivre et à faire confiance. Editions Québécor, 3eme édition, 2010.
Premier texte
Tout
semble s'écrouler à l'intérieur...
«J'avais une vie, une
famille, un travail. Je me sentais rempli, investi, utile, efficace. Depuis
l'événement, je ne trouve aucun sens à rien.
Ma conception des choses est complètement bouleversée. Je ne vois plus
les gens de la même façon. Je ne vois plus les choses de la même manière. Tout
me semble futile, inutile, insensé. Je n'ai plus d'intérêt pour rien. J'ai peur
de tout. Ma vie s'est écroulée...»
Comment réagit-on à la suite d'un
événement traumatique?
Après un traumatisme,
on vit habituellement trois grandes phases:
la phase de crise, la phase post-traumatique
et la phase de résolution.
La
phase de crise
C'est la toute
première réaction: elle a lieu
pendant
et
immédiatement
après l'événement. C'est l'état de choc:
on peut se sentir désorienté et confus, avoir de la difficulté à penser
clairement ou même à parler.
La
peur est souvent omniprésente. Pendant l'événement, vous avez peut-être ressenti une vulnérabilité
intense. La peur de mourir ou d'être grièvement blessé est
extrêmement
puissante.
Cette peur intense peut nous pousser à fuir
la situation ou à figer complètement. Après l'événement, vous vous êtes
peut-être senti extrêmement vulnérable:
l'événement a détruit votre sentiment de confiance face à la vie, face aux
autres ou face à la terre. Certaines victimes peuvent
trembler de longues heures à la suite de l'événement. L'
incrédulité est aussi courante.
On va avoir beaucoup de difficulté à croire ce qui est en train de nous arriver
ou ce qui s'est passé. Cette réaction est tout à fait normale... Comment croire
à l'incroyable!
«Non, ce n'est pas vrai!» «Ce
n'est pas possible: ça m'arrive à moi!».
Vous
avez peut-être ressenti des
symptômes
dissociatifs, c'est-à-dire eu
l'impression que c'était irréel, que vous étiez dans un cauchemar, que
le déroulement ressemblait à un film. Certaines personnes vont avoir
l'impression que le temps se déroule très lentement ou, au contraire, très,
très vite. D'autres peuvent avoir l'impression de faire des actions qui ne leur
ressemblent pas ou d'être à l'extérieur de leur corps.
La
phase post-traumatique
En
deuxième lieu, vient la phase post-traumatique proprement dite. On aurait aussi pu l'appeler «
phase d'assimilation» parce que c'est le principal objectif des symptômes de
cette étape: après le choc de la
phase de crise, tout votre système psychologique tente de réagir à ce qui s'est
passé, de s'adapter à cet événement et de le «digérer».
Les
symptômes post-traumatiques se regroupent en trois catégories: 1. les symptômes de
reviviscences; 2. les symptômes
d'évitement; 3. les symptômes
d'hyperactivation. Ces différentes
réactions sont souvent vécues en même temps dans les semaines qui suivent le
traumatisme.
Les
symptômes de
reviviscences indiquent que le traumatisme est constamment
revécu psychologiquement. Des images, des
sensations ou des rêves liés à l'événement traumatique peuvent se présenter
soudainement à votre esprit sans que vous le vouliez. Le souvenir de
l'événement peut s'imposer à vous aux moments les plus inattendus. Il vous sera
très difficile d'être dans une situation qui vous rappelle l'événement parce
que vous vivez alors trop de détresse et d'anxiété. Les symptômes de reviviscences peuvent prendre plusieurs formes:
•
souvenirs répétitifs et perturbants de l'événement;
•
cauchemars du traumatisme ou de violence;
•
moments où vous avez l'impression que l'événement se reproduit (
flash-back);
•
détresse psychologique lorsque vous êtes en contact avec des éléments qui vous rappellent l'événement
traumatique ou qui y ressemblent;
•
anxiété démontrée par des signes physiques lorsque vous êtes en contact avec des éléments qui vous
rappellent l'événement traumatique ou qui y ressemblent.
La deuxième catégorie
de symptômes concerne l'
évitement ou
l'
émoussement. Vous avez peut-être fui des
situations ou des objets associés à l'événement traumatique. Vous avez peut-être eu
de la difficulté à en parler. Vous vous êtes peut-être senti plus dépressif
depuis l'événement. Ces réactions sont des symptômes d'évitement ou
d'émoussement. Cette deuxième catégorie de symptômes peut se manifester par:
•
des efforts faits pour éviter les pensées, les sentiments, les
conversations, les endroits ou les gens associés à l'événement traumatique;
•
une incapacité de se rappeler un élément important de cet événement;
•
une diminution marquée de l'intérêt pour des activités autrefois
importantes et considérées comme agréables;
•
un sentiment de détachement par rapport aux autres;
•
une difficulté à éprouver des
sentiments tendres face à des gens qui nous sont chers;
•
une impression que l'avenir est
désormais bouché ou limité.
Ces
symptômes traduisent des comportements d'évitement: nous fuyons les
éléments qui sont associés au traumatisme et qui nous causent trop d'anxiété et
de détresse. Parallèlement, nous vivons aussi un certain émoussement
émotionnel, comme si nous nous sentions «gelés», détachés face aux autres ou comme si nous ressentions une baisse
d'intérêt pour des choses qui nous tenaient pourtant à cœur auparavant.
Les symptômes d'
hyperactivation
forment
la dernière catégorie de symptômes post-traumatiques. Ce sont des indices que
le corps est suractivé, sur-stimulé. On désigne ici:
•
les difficultés reliées au sommeil (difficultés à s'endormir ou à rester endormi, sommeil interrompu ou
perturbé, agité);
•
l'irritabilité ou les accès de colère soudains;
•
les difficultés de concentration;
•
l'hypervigilance (être toujours en état d'alerte);
•
les réactions fortes de sursaut.
Ce
dernier type de symptômes indique que le corps est hypersensible. Il
réagit à tout, il est super-activé!
On a l'impression d'être un «paquet
de nerfs», avec «des yeux tout le tour de la tête» et toujours en état d'alerte.
La phase
post-traumatique est la plus longue des trois étapes. Pour les victimes, c'est
une phase très douloureuse et qui semble interminable.
La
phase de résolution
C'est
la dernière phase, et elle peut prendre deux formes. Dans un cas, vous avez
bien intégré l'événement et il y a effectivement résolution de vos symptômes,
c'est-à-dire diminution progressive. Dans l'autre, les symptômes restent chroniques
et cristallisés.
Dans
le premier cas, on assiste à une diminution de la peur, de la colère et de la
tristesse. Vous ressentirez un regain d'intérêt pour des projets, des activités
ou des relations personnelles. Vous vous
sentirez plus en forme, moins fatigué et moins abattu. Vous envisagerez
un retour au travail et une reprise de vos activités de loisirs. Le souvenir de
l'événement traumatique lui-même sera moins douloureux. Vous vous sentirez plus
serein face à ce qui s'est passé. Votre vision du monde et des autres sera
aussi changée. Vous intégrerez le traumatisme dans votre nouvelle conception
des choses et de la vie. Vous pourrez recommencer lentement à faire confiance,
vous reconstruirez tranquillement votre sentiment de sécurité. Vous vous sentirez
moins amer, moins en révolte et moins
triste. Certaines victimes vont même noter que, évidemment, elles ne
revivraient jamais l'événement traumatique mais que,
a posteriori, elles ont pu
grandir à travers cette expérience.
Certaines vont remarquer qu'elles ont
appris à mieux se connaître, qu'elles ont réalisé certaines choses,
qu'elles sont fières du chemin qu'elles ont accompli ou qu'elles ont pris
conscience qu'elles avaient des forces intérieures qu'elles ne reconnaissaient
pas avant.
Il
peut arriver que la victime ne parvienne pas à cette phase de résolution: certains symptômes restent alors
chroniques, souvent parce qu'ils n'ont pas été traités. Ils continuent à
affecter le quotidien et à diminuer la qualité de vie. La victime peut se
sentir en perte d'autonomie chronique et peut dépendre des autres pour
certaines choses parce que la peur reste trop vive (pour conduire la voiture,
pour aller au travail, pour déposer les formules d'assurance, pour cuisiner, etc.). Certaines personnes souffrent d'une baisse
importante d'estime de soi:
l'événement traumatique a entraîné une remise en question importante de leurs
perceptions ou de leur jugement. Elles doutent de façon chronique de leurs
capacités et de leur valeur. Certaines ont
l'impression que leur vision du monde et des choses est à jamais teintée
par la colère, par l'amertume et par la méfiance. Des victimes ont l'impression
qu'elles ne seront plus jamais capables
d'aimer comme avant ou de faire
confiance à quelqu'un. La cicatrice est encore douloureuse. Elle reste
très présente, très actuelle.
Certaines victimes
peuvent se sentir de cette façon pendant des années avant qu'il y ait
diminution des symptômes. Si vous êtes dans cette situation, ne perdez pas
courage et allez chercher de l'aide. Les séquelles chroniques d'un événement
traumatique semblent parfois insurmontables. Vous avez tout fait pour tenter de vous aider et vous sentez que vous ne faites pas de progrès, que votre souffrance est
toujours aussi grande?
Pourquoi continuer à essayer tout seul?
Un psychologue pourrait vous aider à
intégrer cette expérience traumatique, à diminuer votre détresse et à
retrouver votre qualité de vie.
Deuxième texte
Les
autres réactions qui font suite
à un événement traumatique
Nous avons
identifié dans le texte précédent les principaux symptômes
post-traumatiques. Cependant, chaque personne a une façon bien
personnelle de réagir à un événement traumatique; par conséquent, d'autres
réactions peuvent se greffer aux précédentes.
Certaines
réactions manifestées à la suite d'un événement traumatique sont tout à
fait normales. Elles sont douloureuses mais
d'une intensité tolérable et elles perdent tranquillement de leur force avec le temps. Par contre, d'autres
réactions deviennent si douloureuses et si chroniques qu'elles nécessitent un
plan d'action plus serré. Comment reconnaître ces symptômes?
Certains indices sont
particulièrement inquiétants. Ainsi, vous-même et ceux qui vous entourent
devriez vous inquiéter si vous montrez une tristesse très grave. Cette
dépression
peut se manifester par des pleurs répétés, une perte
d'intérêt
généralisée et une perte de poids significative. Plusieurs victimes dans cette
situation se sentent extrêmement coupables ou honteuses ou encore se
dévalorisent de façon excessive. Certaines
peuvent envisager leur mort, se défaire d'objets très personnels et les
donner à leurs amis. Il peut être très difficile
pour vous de réaliser que vous vous enfoncez dans un dangereux cycle de
dépression: vos symptômes sont
tellement puissants qu'ils vous empêchent de bien évaluer la gravité de votre
état. De plus, vos sentiments de honte ou de culpabilité peuvent être tellement submergeants et douloureux
que vous ne songez qu'à arrêter d'avoir mal et à vous libérer de cette
souffrance. Le suicide semble parfois la seule issue...
Devant
de telles réactions, il est indispensable de consulter un professionnel. L'urgence de certains hôpitaux
peut même être pertinente dans des cas nécessitant une intervention
immédiate. Surtout, parlez à quelqu'un de votre état, de ce que vous ressentez. Et sachez que la dépression ne
permet pas de prendre des décisions de façon éclairée. Le découragement,
voire le désespoir, ne permettent pas d'envisager les éléments positifs qui
sont présents dans votre vie. Ces états favorisent plutôt une vision «tunnel»,
rigide et absolue où le suicide semble la seule porte de sortie, et nous
empêche de considérer les autres solutions
existantes. Dans ces moments-là, il
est essentiel de parler à ceux qui nous entourent et d'aller chercher une aide professionnelle. De plus, la
médication peut s'avérer pertinente car elle permettra au corps de
reprendre des forces.
Parallèlement
à ces symptômes dépressifs, un autre symptôme inquiétant consiste en l'
intensité des
comportements d'évitement.
Nous avons vu que ceux-ci étaient courants après un événement traumatique. Cependant,
lorsqu'ils sont très prononcés et que vous vous isolez de façon marquée, cette réaction est plus alarmante. Certaines personnes
évitent toutes situations sociales,
vivent recluses dans leur chambre ou refusent de communiquer avec leur entourage. Ce type de réaction est un signe qu'une aide plus systématique et
professionnelle est nécessaire.
La
durée et
l'intensité de vos symptômes sont aussi des indices permettant de juger qu'une action
doit être prise. Chaque personne a une évolution qui lui est propre. Cependant,
si les symptômes ne diminuent pas au cours de la première année et que les
séquelles deviennent chroniques, il y a lieu d'envisager un plan de traitement
plus serré. Ces réactions sont plus inquiétantes si elles affectent de façon
permanente des aspects majeurs de votre vie, comme votre travail, vos relations
interpersonnelles ou vos activités de loisirs.
Si vous observez une
augmentation de votre
consommation d'alcool ou de drogue ou que vous jouez de façon plus
compulsive, soyez vigilant. La dépendance au jeu ou à des substances peut être
une façon de fuir votre anxiété liée au trauma et de vous réfugier dans un
monde artificiel. Avec le temps, cette tendance devient chronique et elle
entraîne des stress graves:
séparation conjugale, tensions avec la famille, difficultés financières, en
plus de maintenir vos symptômes post-traumatiques. Si votre entourage ou
vous-même jugez que vos comportements sont excessifs, songez à consulter des
ressources et des organismes spécialisés dans ces problématiques avant de
commencer une démarche ciblant la diminution de vos symptômes
post-traumatiques.
Il est donc important
que vous puissiez reconnaître chez vous certains indices inquiétants concernant
votre propre état et que vous puissiez vous permettre de consulter si vous en ressentez le besoin. N'oubliez pas que des
spécialistes sont là pour vous aider
et que vous n'avez pas besoin de tolérer ces symptômes seul. Votre
entourage peut aussi vous seconder pour trouver l'aide dont vous avez besoin et
vous soutenir dans ce processus.
Troisième texte
Que
signifient mes symptômes actuels?
«Je souffre tellement! J'ai peur de tout. Je pleure sans arrêt.
J'ai des rêves horribles de l'événement. J'évite le contact avec les autres. Je
me sens très vulnérable. Est-ce que c'est normal? Est-ce que ça va diminuer de soi-même? Est-ce que je suis en train de devenir fou? Pourquoi est-ce que je me sens ainsi?»
Survivre
à un traumatisme est une entreprise douloureuse. Notre corps réagit, notre âme
se révolte. Beaucoup de victimes ne comprennent pas
pourquoi elles vivent de tels symptômes. Plusieurs même se blâment de les ressentir ou s'inquiètent que cela soit pathologique ou permanent. Pourtant,
les symptômes post-traumatiques ne sont pas là pour rien: non seulement ils sont normaux mais ils
sont aussi les manifestations d'un processus psychologique sous-jacent très
important. Votre corps vous parle et crie sa détresse: pourquoi ne pas tenter de comprendre ce que vos symptômes
signifient?
«Je fais des cauchemars depuis l'événement»
«Des
images de l'événement me reviennent sans arrêt»
Les
symptômes de reviviscences sont un signe que votre corps tente de digérer l'événement. Il faut comprendre que
l'événement traumatique constitue un montant incroyable de données pour
notre cerveau: il est soudain, imprévisible, il remet en
question des conceptions très anciennes de la vie et il est impossible d'intégrer cet ensemble de nouvelles
informations rapidement. De plus, il provoque un montant phénoménal d'émotions
contradictoires qui ne peuvent pas être digérées en une fois. Alors, les
images, les données liées à l'événement sont stockées dans notre mémoire sans
être intégrées à tout le reste.
Les cauchemars ou les
images qui s'imposent à notre conscience après un événement traumatique
réapparaissent pour deux raisons: 1.
parce que nous avons vu ou entendu un élément qui nous a fait penser au
traumatisme, ce qui a fait remonter des souvenirs de l'événement; 2. parce que nous essayons de comprendre
l'événement, et que d'y penser provoque une réactivation des données qui ne
sont pas encore digérées et qui sont toujours dans notre mémoire immédiate.
Cela indique que l'événement est encore très présent pour nous et qu'il tente
d'être intégré à notre système. Nous ne savons pas encore comment l'assimiler
et en attendant il réapparaît à notre conscience.
En fait, on peut
prendre l'exemple de l'ordinateur pour comprendre les reviviscences.
L'événement traumatique ressemble à un
énorme nouveau fichier que l'on tente d'insérer dans l'ordinateur. Or,
ce fichier est tellement imposant et
bouleversant qu'on ne sait pas où le placer. Comment définir ce fichier? Comment l'analyser? Comment le comprendre pour bien le classer? Sous
quelle filière l'installer?
Quel nom lui donner? Impossible de
faire tout ce travail cognitif immédiatement. Le résultat est que le fichier
erre depuis dans l'espace informatique de notre ordinateur sans être classé. De
temps en temps, il «pope» sous nos yeux, se rappelant à notre conscience, parce qu'il n'est pas ordonné,
parce qu'une autre information entrée vient de l'activer. Comment
intégrer ce fichier à tout notre monde cognitif pré-existant? En le digérant, en reconsidérant ce qui
s'est passé pour mieux l'assimiler, pour le
comprendre, pour s'y habituer, pour diminuer notre honte face à lui,
pour accepter davantage ce qui s'est passé et ce que nous avons posé comme
geste.
«Je ressens beaucoup de détresse lorsque je suis en contact
avec des éléments associés à l'événement»
Lors de l'événement
traumatique, il s'est passé ce qu'on appelle un
conditionnement, c'est-à-dire que
tous les éléments présents lors de cette expérience (bruits, objets, odeurs, situations, endroits) ont été pairés avec votre
peur, votre sentiment d'horreur,
votre détresse. Ils sont devenus «contaminés» par cet événement, et vous les avez
maintenant en aversion. Par la suite, le
seul fait d'être en contact avec eux provoquera de la détresse: ces éléments sont très associés à votre
état émotionnel ce jour-là et le simple fait de les revoir vous bouleversera.
À
la suite d'un événement traumatique, les bruits, les situations, les endroits, les odeurs et
les objets présents lors du trauma ont été associés à notre peur, à notre
détresse.
«J'ai des palpitations, des sueurs froides, même des
étourdissements lorsque je suis en contact avec des éléments associés à l'événement»
Notre malaise face à certains éléments associés à
l'événement traumatique peut être
psychologique (inconfort, détresse, tristesse, peur), mais aussi
physique. Certaines victimes vont ressentir de très forts symptômes d'anxiété
lorsqu'elles seront en contact avec ces éléments car ils sont associés à une
forte impression de vulnérabilité. Ces moments peuvent ressembler à la montée d'une attaque de panique: elles peuvent ressentir des palpitations, des sueurs froides, des
étourdissements, la bouche sèche, des
engourdissements, etc., quand elles sont en contact avec des objets
associés au traumatisme.
Se sentir anxieux
quand on évalue qu'il y a danger est non seulement normal, mais très adapté et
sain. Lors d'un tremblement de terre ou d'un accident, l'anxiété mobilise
toutes nos ressources pour que nous puissions préserver notre vie et tenter de
nous adapter à la situation. Il est
donc normal de réagir avec anxiété face à des situations qui sont associées à du danger. Après un événement
traumatique, le problème c'est que
même les éléments qui
ne sont
pas actuellement
dangereux vont provoquer de l'anxiété parce qu'ils ont été associés à un
événement dangereux dans
le passé. Ils vont causer de la peur parce
qu'ils ont été «conditionnés».
«J'évite tous les lieux et tout ce qui me fait penser à l'événement»
Vous savez maintenant
que les symptômes d'évitement font souvent partie du tableau courant des
symptômes post-traumatiques. Beaucoup de victimes ne comprennent pas pourquoi elles ont tant de difficultés à retourner
sur les lieux de l'événement
traumatique. Certaines victimes vont
même jusqu'à interpréter leur évitement comme un signe de faiblesse ou
de lâcheté.
De
tels symptômes constituent pourtant d'excellents signes que votre système de défense fonctionne bien: en fait, il fonctionne
trop bien
actuellement. Le conditionnement entre votre peur et des éléments qui
étaient présents lors du trauma est très efficace.
Ce
mécanisme fonctionne si bien et les symptômes d'anxiété sont tellement désagréables
que nous nous éloignons naturellement de ces
situations afin de retrouver un état émotionnel plus confortable: c'est l'évitement. Cet évitement
est souvent efficace et sert, en général, à nous protéger de situations objectivement dangereuses.
Après un événement traumatisant, le problème, c'est qu'on va éviter beaucoup
d'éléments qui ont été associés au trauma, même ceux qui ne sont pas en soi
dangereux. Cet évitement extrême va nuire à
notre autonomie et à notre confiance en soi. Il risque aussi de se maintenir dans le temps et de nous
faire vivre constamment dans la peur.
Car éviter est
très
soulageant.
Et on y trouve tellement de soulagement qu'on va fuir les situations qui nous
font peur, on va s'abstenir de penser à l'événement car cela nous bouleverse
trop, on va éviter de se trouver dans un lieu qui nous fait penser à ce qu'on a
vécu. Il s'agit d'un mécanisme de protection, d'une stratégie de survie
instinctive du corps. Cependant, ce qu'il faut savoir, c'est qu'éviter est
aussi une arme à double tranchant qui soulage à court terme mais
maintient
les symptômes à long terme. En effet, cela nous empêche d'affronter la situation et
de constater que si elle a déjà été associée à quelque chose de dangereux, elle
n'est pas en soi dangereuse.
«Je suis tout le temps en état d'alerte» -
«Je sursaute à rien»
Après un événement
traumatique, notre sentiment de confiance est complètement ébranlé et notre
système d'alarme est beaucoup plus sensible. L'événement traumatique nous a
pris par surprise et, inconsciemment, notre système tente de prévenir un prochain trauma. Il se dit que «si un tel événement traumatique s'est produit une fois, il peut bien se reproduire une deuxième fois». Conséquemment,
on va développer des «
yeux
tout le tour de la tête», c'est-à-dire une
hypervigilance à l'environnement. C'est comme si on était constamment en mode
de combat: système d'alarme
constamment en état d'alerte.
Cet état peut souvent
entraîner des difficultés à dormir. En effet, dormir c'est l'état opposé de la
vigilance, c'est l'abandon complet et cet état peut être particulièrement terrifiant pour quelqu'un qui a vécu un événement
traumatisant. Cet état de vigilance peut aussi entraîner de
l'irritabilité puisque conserver un tel état d'alerte est extrêmement épuisant. Des difficultés de concentration et,
conséquemment, de mémoire sont aussi souvent présentes et peuvent découler de
cette hypervigilance.
«Je me sens détaché des autres» , «Je n'ai plus d'intérêt pour quoi que ce
soit»,
«J'ai l'impression de ne plus ressentir d'émotions tendres envers
mes proches»
À la suite d'un
événement traumatique, plusieurs victimes se sentent détachées des autres. Certaines se sentent presque indifférentes
à leur entourage, à ce qui se passe autour d'elles. D'autres ont l'impression qu'elles sont maintenant incapables de
ressentir des émotions pour les gens qui leur sont chers, comme si leurs
émotions étaient «gelées». Enfin, d'autres encore vont se sentir
étrangères à autrui, comme si elles réalisaient
que ce qu'elles ont vécu les rendait différentes à jamais. Plusieurs ont
l'impression de ne pas pouvoir être comprises par leur entourage.
Vivre un événement
traumatique est très éprouvant émotivement:
nos émotions ont subi un énorme choc et elles peuvent être «engourdies»
dans les semaines qui suivent. L'événement
est si important et si crucial dans notre vie qu'il est impossible de le
digérer en une fois, et le corps va quelquefois se mettre en position «hors fonction» pour refaire ses énergies dans ce processus de digestion: c'est dans ces moments qu'on peut se sentir détaché ou gelé émotivement. Cet état est temporaire et signifie que notre organisme
tente d'assimiler l'événement par petites doses et qu'il a besoin de
prendre des «pauses émotives» car le processus est trop difficile.
Cependant, il est impossible de donner de l'affection, de l'attention, de
l'empathie quand on est soi-même dans ces «pauses
émotives». Impossible de donner quand
on est soi-même en déficit... Vous êtes actuellement en position de survie: vous
avez de la difficulté à gérer vos propres émotions, alors en démontrer
aux autres est souvent au-delà de vos capacités. Le fait de vivre un événement traumatique remet en question nos
valeurs et nos attentes face à la vie. On a tendance à reconsidérer nos
priorités en profondeur après cette expérience. Cette remise en question peut
temporairement bouleverser nos intérêts et nous donner l'impression que notre
vie n'a plus de sens. En fait, nous sommes juste en train de redonner un
nouveau
sens
à notre vie...
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